Clémentine Hahn

On discute


Web a quebec 2018, Vu et entendu

WAQ // Jour 1 // Le décompte

08h. Arrivée. Entendre des bénévoles discuter. « 1200 personnes attendues ». 1200 f*cking personnes par jour, pendant 3 jours. Un vestiaire, des cocardes. Les uns derrières les autres, foule nécessairement dense, confuse et bruyante. Le ton est donné. Brace Yourself

09h Pendant la conférence d’introduction, profiter de la relative accalmie pour arpenter les couloirs, découvrir les lieux et repérer les espaces de tranquillité.

10h.“Sens comme stratégie marketing” par Denis Martel J’ai envie de dire oui à tout. Mais en même temps j’apprends rien. Ça sonne à mes oreilles comme une introduction au bon sens. J’ai envie de renommer la conf : « Quitter l’ancien monde 101. »

10h30 je quitte ma première conférence.

11h « Foundational Psychology Experiments (And Why You Should Know Them) » par Michele Kiss Okay, je vais enfin de l’avouer, ce que j’aime faire en fait c’est de la psycho. Les biais des gens, le pourquoi des processus de réflexion, le comment se prend une décision : ça m’intéresse. Rien de révolutionnant mais quelques rappels qui font du bien : ⇒ « We are biased, we are flawed ». Best defense ? « Be aware of it ».

12h. Pause déjeuner. Beaucoup de monde , beaucoup de bruit. Regarder en bas.

Il y a ceux qui montent par l’escalier et ceux qui montent par l’Escalator.

  • 9 par l’Escalator, 1 par l’escalier ;
  • 22 par l’Escalator, 2 par l’escalier ;
  • 31 par l’Escalator, 3 par l’escalier ;

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12h15.

  • 78 par l’Escalator, 8 par l’escalier.

On va dire que 10% prennent les escaliers.

Se dire que la première conférence du matin ce qui la rendrait intéressante c’est de savoir ce qu’en ont pensé d’autres personnes. J’ai plus envie de parler de la compréhension des sujets que du sujet lui-même. Qui a appris quelque chose ? Qui était en réaction, en opposition, pourquoi ?

Laisser trainer mes oreilles :

  • Moi je facture par paquet de 500 lignes. Je m’engage à les maintenir opérationnelles et je suis payé tous les mois
  • Ah oui je vois. Et sinon les commentaires tu fais comment tu les comptes ?
  • Oui alors les commentaires je les compte pas . J’estime à 500 lignes vraiment exécutables.
  • Je comprends. Oui c’est bon comme modèle.

S’étouffer en silence.

La valeur de ton travail, tu penses sérieusement qu’elle est dans le nombre de lignes que tu factures ? Que c’est une production qui se mesure au kilomètre ? Naïvement je pensais qu’il était plutôt utile de tendre vers le moins de ligne, viser l’efficacité, la lisibilité. Mon erreur, j’ai projeté mes propres croyances. J’ai présupposé que tu avais passé du temps à réfléchir à la valeur de ton travail. Donc en fait non, le problème n’est pas que tu crois que la valeur de ton travail réside dans le nombre de lignes. Je crains que le problème soit ailleurs. Quand je t’entends parler de valeur, je ne t’entends pas parler de pour quoi ou pour qui tu fais tout ça. Y-as-tu seulement réfléchi ?

Un café. Retour aux conférences.

14h « Gouvernance numérique, stratégie de développement régionale? » par Jean-François Gauthier Une histoire, celle de la création de l’Institut de Gouvernance Numérique. Une explication du pourquoi. Le choc personnel de Jean-François en Haiti, l’expérience de la démocratie menacée. L’envie de construire des ponts, du genre qui circulent dans les deux sens entre les citoyens et le « gouvernement ». Il nous raconte chemin avec pas mal d’essais, d’erreurs et de revers. Mais la direction est claire et chaque petit pas compte.

Je n’ai pas vraiment appris grand chose chose dans cette conférence. Pourtant ça me semble de ces conférences utiles. Parce que ce qui y est présenté est un retour d’expérience, mêlé d’émotions. Ça aidera toujours à comprendre un peu mieux les prochains humains qu’on rencontrera.

15h « Comment utiliser la technologie au service des territoires, de la citoyenneté active et de l’altruisme » par Stéphane Grandjean Rester 5 minutes. Des buzz words. Utiliser la justification de l’altruisme pour créer un nouveau business. Je ne dois pas être le public cible. Je quitte la salle.

16h15 « The SEO world in 2018 » par Rand Fishkin. Ce n’est pas ma compétence alors j’en profite pour apprendre. Expliciter des évolutions d’usages que j’avais seulement ressenti jusque là. Plutôt éclairant. What a day. C’est l’heure de l’apéro. On va reposer le cerveau.

WAQ // Jour 2 // Bingo

8h Nouveau matin. Les entrées s’accélèrent, l’expérience des premières 1200 personnes se fait sentir, tout le monde améliore son parcours. Le vestiaire n’y échappe pas et les bénévoles tout fiers enchainent les cintres pré-étiquetés. Comme quoi il fallait bien une journée à vide et la galère de 1200 personnes pour comprendre comment faire.

Avec une certaine fatigue, je me mets à imaginer un Bullshit Bingo. Parce que j’en ai marre d’entendre des gens parler de solutions alors qu’il n’y a pas vraiment de problème, en tout cas pas là où ils vont. Marre d’entendre parler de création de besoin, de technique comme une fin en soi. Au fur et à mesure je note des mots et je me dis que c’est ça en fait cette conf, décrypter le langage dominant, apprendre à le déchiffrer, le contourner, à en rire aussi.

BULLSHIT BINGO DES CONFERENCES WEB

On est en recherche de talents Le plus / le mieux C’est une 1ère mondiale Croitre Votre compétiteur Les négociations J’ai levé « insérer ici un montant dont tout le monde se fout » $ Persuader le consommateur C’est la prochaine technique mainstream Je ne peux pas vous le dire mais… Il faut faire de l’agile On est passé de 3 à 80 en 6 mois C’est la blockchain On a vendu le brevet Les milléniaux ont besoin de … grâce au Machine Learning « insérer ici un problème qui n’a pas besoin d’une résolution technique »

9h « Visual Trumpery: How to Fight Against Fake Data and Visualizations — From the Left and From the Right » par Alberto Cairo. Clarifier n’est pas simplifier. Parfois clarifier signifie plus d’informations aussi pour raconter la grande histoire. Afficher et assumer les « cloud of uncertainty » Reveal uncertainty.

10h15 « Private to Public: Transforming Government with Lessons from the Private Sector » par Chris Govias. Les chose intéressantes commencent ici. “ It’s not about fall in love with the solution but with the problem. “ Chris Govias

14h Accélérer et enrichir la recherche en expérience utilisateur à l’aide des neurosciences. Le pourquoi est très clairement explicité pour “vendre plus”. Le conférencier annonce une bonne nouvelle : “ bientôt beaucoup d’ordinateurs seront équipés de eye-track pour suivre le mouvement des yeux et ainsi rendre plus accessible l’analyse plus précisément la réaction des utilisateurs”. Mouais, va falloir redéfinir le concept de “bonne nouvelle” alors. Pas intéressant, je passe.

Malgré cette impasse, un changement de ton s’opère sur la journée grâce à plusieurs rencontres. L’impression d’avoir rencontré ceux qui font partie de ce qu’on pourrait appeler les bonnes personnes. Celles qui se demandent “pourquoi”. C’est entamer avec le cynisme et finir avec l’envie de transformer mon loto bullshit en loto des mots qui font du bien.

C’est se rappeler que ça vaut toujours la peine de poser une question, de s’asseoir avec quelqu’un, de prendre le temps d’interroger les pourquoi.

LOVE BINGO DES CONFERENCES WEB

On s’est assis avec Les gens On a appris On n’a pas signé de contrat Poignée de main Les problèmes Empathie Choisir « Sourire en repensant à un entretien utilisateur » Essayer Aimer (n’importe quelle conjugaison conviendra) C’est compliqué Pourquoi Transparence Je ne sais pas Les utilisateurs ont besoin (versus on a besoin )

WAQ // Jour 3 // Values First

Conférence de clôture Kim Goodwin: “ The Values are the experience”. Conférence ressentie comme la plus riche, celle qui va résonner le plus pour moi. J’espère que la vidéo sera publiée pour pouvoir la partager. Réflexion sur la place des valeurs dans le processus de réflexion d’action. Values First. Rechercher les valeurs cachées, pas celles affichées, mais celles qui guident vraiment les décisions, même quand c’est difficile, surtout quand c’est difficile. S’en saisir, les regarder et mettre le tout, sa communication notamment en cohérence.

Web à Québec qui finit avec “Values First”. Non on ne finit pas avec ça, pourquoi ne pas commencer par ça ? Pourquoi ne pas soumettre tout le reste à ça ?

Peut-être parce que ça obligerait à revoir le programme, peut-être parce que beaucoup de personnes n’y trouveraient plus leur place. Celles qui parlent de valeur utilisateurs mais sont surtout à la recherche de la leur.

Observer les participants, se demander ce qui les guident au quotidien. Qui dans sa vie, explicite ses valeurs ? Qui prend le temps de faire cette excavation pour interagir en cohérence ? Se demander quelle est ma valeur. Peut-être mettre le doigt dessus en réfléchissant à mes actions. Celles qui ont lieu quelques soient les difficultés. Même quand c’est difficile. L’explicitation. Quelle valeur est défendue par la verbalisation ? La recherche d’une ponctuelle compréhension partagée ? La création permanente d’un espace pour des mots ?

Le consentement.

C’est ma valeur. Ce sur quoi je ne veux, peux jamais transiger. Interroger le propos, le questionner. Assumer les attentes. Accepter la potentialité du non. Faire savoir qu’il existe une proposition, faire savoir de quoi elle est faite.